Les droits d'auteur relatifs aux contenus générés par intelligence artificielle suscitent un débat juridique complexe au sein de la législation française et européenne. La principale chose remise en question est : qui est le créateur ?
La personne qui rédige le prompt, et qui serait donc propriétaire de l’œuvre de l’esprit ?
Les personnes ou l’entreprise impliquée dans le développement de l’IA, et la création de sa base de données, qui peuvent influencer les résultats générés par ladite IA ?
Ou alors les réels créateurs seraient ceux dont les œuvres figurent dans les bases de données ?
Ce sont plusieurs questions que nous essaierons d’éclaircir dans cet article, malgré le manque de cadre actuel autour des droits d’auteurs sur les œuvres issues de l’IA.
La créativité est la capacité à imaginer, conceptualiser et exprimer des idées nouvelles et originales. Elle se caractérise donc par l’idée, plus que par la production finale. Dans les arts plastiques, depuis plusieurs décennies, l’idée de “concept art” s’est développé : le concept prime sur l’œuvre, l’œuvre est la représentation matérielle du concept, elle est uniquement là pour lui donner forme et la partager. Certains parlent d’œuvres “du cerveau plus que de la main du créateur”.
En revanche, le droit d’auteur, s’applique sur des œuvres physiques, il ne protège pas des idées.
Pour l’IA générative, on peut dire que l’idée est possédée par la personne qui rédige le prompt, mais qui possède l’œuvre générée ?
Face à ce défi, certains juristes et législateurs proposent la création d'un statut juridique spécifique pour les œuvres d'IA, accordant des droits et des obligations distincts de ceux des œuvres humaines. D'autres suggèrent que les droits d'auteur pourraient être attribués à la personne qui a déployé l'IA ou fourni les données initiales, plutôt qu'à l'IA elle-même.
Au niveau européen, l’AI Act censé être publié en juin 2025 est grandement attendu, car il répondrait à ces questions. Actuellement, on a accès à un extrait leaké de cette réglementation, qui se penche sur la question du respect des droits d’auteurs dans les œuvres utilisées dans les bases de données, qui indique que, hormis une opposition claire de l’artiste, les œuvres sous droits peuvent être utilisées dans la génération d’image.
En France, l'article L112-1 du CPI, "L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous." Cela pose la question fondamentale de savoir si une œuvre créée par une IA peut être qualifiée d' "œuvre de l'esprit" au sens de la loi. Est-ce qu’un prompt est une “œuvre de l’esprit” ?
Dans l'attente de changements législatifs, la jurisprudence s'adapte progressivement à cette réalité nouvelle. Les tribunaux examinent au cas par cas les litiges liés aux droits d'auteur des créations automatisées, jetant ainsi les bases d'une interprétation future.
L'enjeu réside dans la nécessité de trouver un équilibre entre la protection des droits créatifs, la promotion de l'innovation et le développement responsable de l'IA. Certains avancent l'idée d'une catégorie spécifique de droits pour les créations IA, tandis que d'autres insistent sur la nécessité de réaffirmer le rôle central de l'humain dans le processus créatif.
On dit que l’art est ce qui distingue l’homme de toutes les autres espèces, mais est-ce qu’il distingue l’homme du robot ?